La rencontre qui changea des vies

La rencontre qui changea des vies

Une seule rencontre entre deux personnes suffit parfois pour changer radicalement la vie des autres. Ce fut le cas en 2011, lorsque Sofie Foets fit la connaissance de Heleen Terwijn, Amsterdamoise et fondatrice d’IMC Weekendschool. Cette rencontre a donné naissance à TADA. À l’occasion du dixième anniversaire de TADA, les deux “founding ladies” se sont redonné rendez-vous.

Quel souvenir gardez-vous de cette première rencontre? 

Heleen Terwijn: En 2011, j’étais au Parlement européen à Bruxelles pour donner une conférence sur les jeunes issus de milieux précaires et l’enseignement. J’y ai présenté IMC Weekendschool, l’asbl que j'avais fondée en 1998 dans Amsterdam-Zuidoost, le premier quartier de la ville à accueillir des migrants. J’ai expliqué pourquoi nous offrions un enseignement complémentaire dans les quartiers qui en avaient le plus besoin. Au terme de ma conférence, une jeune conseillère du parlement m’a accostée et m’a dit: “Madame Terwijn, je trouve cela formidable. Bruxelles a aussi besoin d’une telle initiative.” C’était Sofie. Elle m’a immédiatement fait penser à moi, lorsque j’étais plus jeune. Sofie est quelqu’un qui n’a de cesse qu’on ne l’écoute (rires). L’idée d’exporter le succès d’IMC Weekendschool à l’étranger me plaisait. Alors, quand j’ai pris conscience du potentiel de Sofie, nous nous sommes mises autour de la table. 

 

En quoi le discours de Heleen était-il spécial pour toi, Sofie? 

Sofie Foets: J’étais d’emblée conquise par le fait qu’IMC Weekendschool implique le citoyen et le secteur privé dans l’émancipation d’adolescents vivant dans une situation socio-économique vulnérable. L’enseignement est la base de tout. S’ils reçoivent une éducation de qualité, les jeunes sont en mesure de trouver des solutions pour toutes sortes de problèmes dans notre société. Mais de nombreux jeunes issus de milieux précaires sont démotivés avant même d’entrer dans le secondaire. Le décrochage scolaire chez les jeunes en situation vulnérable est élevé en Belgique. Je trouvais intéressant que Heleen et son équipe aient élaboré un plan pour émanciper plusieurs milliers de ces jeunes, en sus de ce que fait l’école traditionnelle. La Belgique est une économie du savoir, mais perd beaucoup de ses jeunes talents. Il y a également beaucoup de polarisation, surtout dans les grandes villes comme Bruxelles. Il y a dix ans, j’ai eu envie de monter un projet concret, qui combinait mon amour pour Bruxelles avec l’envie de me mettre au service de la société. De par mon travail au Parlement européen, je savais que la Belgique – et Bruxelles en particulier – était mauvaise élève en termes d'égalité scolaire. Armée d’un optimisme naïf, je me suis mise au travail avec quelques autres personnes enthousiastes pour créer TADA. 

Comment l’asbl TADA a-t-elle pris corps? Existe-t-il un manuel pour monter une école du week-end? 

Sofie: Pas vraiment. Je suis allée quelques jours en observation à l’IMC Weekendschool et Heleen m’a ensuite accompagnée par appels vidéo. Elle m’a partagé ses connaissances avec passion et a répondu à un tas de questions, telles que “Comment accompagner les intervenants bénévoles? Qu’est-ce qui caractérise le développement psychologique d’enfants vulnérables? Quelles sont les “lessons learned” en matière de récolte de fonds ou de construction d’écoles du week-end et d’un réseau d’alumni?” Forts des bons conseils de Heleen, nous nous sommes attelés à la tâche. Nous avons adapté le concept ici et là, vu que la réalité à Bruxelles est très différente de celle aux Pays-Bas. 

Heleen: Sofie a immédiatement compris comment concevoir une telle organisation. Elle a par exemple saisi pourquoi il ne fallait pas uniquement offrir aux jeunes des cours artistiques, mais bien une panoplie de matières où ils découvrent non seulement quels métiers existent, mais aussi l’art de négocier ou de parler devant un public. Sofie a aussi identifié les aspects du concept qui devaient être adaptés.


IMC Weekendschool, tout comme TADA, s’adresse à des jeunes de 10 à 14 ans. D’où vient le focus sur cette tranche d’âge?

Heleen: Étant psychologue de formation, j’ai longtemps mené des recherches sur la motivation scolaire et le bien-être des enfants. Il s’est avéré qu’à l’âge de dix ans environ, les enfants perdent leur motivation intrinsèque si leur envie naturelle de découvrir le monde n’est pas nourrie de perspectives intéressantes. Les enfants de dix ans sont encore extrêmement réceptifs et débordent d’idées et d’enthousiasme. Mais j’ai constaté qu’en grandissant, beaucoup d’entre eux devenaient moroses et en colère. En tant que chercheuse, il n’est pas bon de se laisser entraîner par ses sentiments, mais cela m’a touchée personnellement. J’étais attristée et je me suis donc mise à réfléchir à la manière dont je pourrais prévenir cela. Et si, au moment adéquat dans leur développement, on offrait aux jeunes des quartiers les plus précarisés un environnement positif et riche, leur permettant de découvrir leurs talents? C’est ainsi qu’est née IMC Weekendschool. 

Sofie: À TADA, nous sommes également convaincus qu’il faut investir dans la prévention. Les recherches démontrent que les douze premières années dans la vie d’une personne sont déterminantes. Et pourtant, en Belgique, ce sont ces années dans lesquelles nous investissons le moins. À TADA, nous voulons justement nous concentrer sur cette période, en commençant par les jeunes les plus vulnérables. 

Comment s’exprime aujourd’hui la collaboration entre IMC Weekendschool et TADA? 

Heleen: IMC Weekendschool compte entretemps dix localisations aux Pays-Bas et TADA en compte cinq à Bruxelles. Bien qu’indépendantes l’une de l’autre, nos deux organisations reposent sur un concept similaire. Dès lors, nous continuons à collaborer de manière informelle. Nos deux asbl ont un volet “alumni” et nous nous concertons quelques fois par an sur un certain nombre de sujets, tels que les subventions européennes auxquelles nous sommes éligibles. 

Sofie: Tout comme Heleen nous a inspirés, TADA inspire aujourd’hui d’autres organisations en Belgique. Je suis fière de cet impact indirect. Je trouve cela génial que de plus en plus de personnes se rendent compte qu’elles peuvent contribuer davantage à l’émancipation des jeunes en situation vulnérable, et qu’elles réalisent qu’en tant qu’individu ou entreprise, elles récoltent également les fruits de ce type de bénévolat. 

Heleen: C’est mon rêve qu’un maximum de jeunes puissent bénéficier de ce concept. Même des enfants issus d’un milieu privilégié n’ont parfois aucune idée de la panoplie de métiers qu’ils pourraient exercer plus tard, ni en quoi consiste exactement le travail d’un juge, d’un fournisseur en énergie ou d’un boucher. Ne serait-il pas formidable que chaque enfant de dix ans en Europe puisse expérimenter l’approche que nous proposons? 

Envie de soutenir TADA et de contribuer à une société où tous les jeunes ont les mêmes chances de se développer? Faites un don ou donnez votre temps.

Share This